La bascule de Terraform vers une licence commerciale restrictive en 2023 a profondément bouleversé l’écosystème de l’Infrastructure as Code (IaC). Face à ce changement radical imposé par HashiCorp, OpenTofu a rapidement émergé comme une alternative open source prometteuse, portée par la Linux Foundation. Mais qu’en est-il précisément de sa pertinence pour les grandes entreprises ? StackX, l’équipe experte de Gentle IT, éclaire les enjeux de ce choix stratégique.
1. OpenTofu, un fork né d’une fracture
Été 2023 : HashiCorp annonce un tournant stratégique. Terraform, jusque-là distribué sous licence open source, passe sous BSL. Cela signifie concrètement que son usage est limité pour les fournisseurs de services cloud ou les éditeurs de plateformes d’automatisation. Cette décision fait l’effet d’une bombe au sein des différentes communautés tech.
En réaction, un collectif d’acteurs crée OpenTofu, un fork 100 % open source maintenu par la Linux Foundation. Le projet reprend le code de Terraform 1.5, avec l’ambition d’assurer sa pérennité, sa transparence et sa neutralité. Des entreprises comme Gruntwork, Spacelift ou Env0 soutiennent activement son développement.
2. Comparatif technique : OpenTofu se distingue-t-il déjà ?
Bien que techniquement proches aujourd’hui, Terraform et OpenTofu commencent à afficher des différences notables :
| Fonctionnalité | Terraform (BSL) | OpenTofu (MPLv2) |
| Licence | Propriétaire, restrictive | Open source, permissive |
| Chiffrement du state | Option payante | Inclus par défaut |
| Évaluation des variables | Standard | Anticipée, plus fiable |
| Gouvernance | Centralisée par HashiCorp | Décentralisée, communautaire |
| Roadmap | Privée | Publique, collaborative |
La divergence, pour l’instant modérée, pourrait rapidement s’amplifier, notamment sur les aspects de gouvernance et de liberté technologique.
3. Pourquoi les grandes entreprises devraient y prêter attention
Pour les grands comptes, le choix d’un outil d’IaC n’est jamais anodin. Il engage l’architecture technique, la conformité, les coûts, et même la souveraineté numérique.
Voici pourquoi OpenTofu entre dans le radar des DSI :
- Gouvernance ouverte : la dépendance à un éditeur unique est un risque. OpenTofu apporte une garantie de transparence et d’évolutivité.
- Coût et licensing : OpenTofu est gratuit, là où Terraform sous BSL peut engendrer des coûts indirects ou des restrictions contractuelles.
- Souveraineté et auditabilité : pour les environnements critiques ou régulés, l’open source reste une voie rassurante.
- Agilité et scalabilité : OpenTofu peut potentiellement innover plus vite, sans contrainte commerciale.
4. L’état de maturité d’OpenTofu : prêt pour la production ?
Déjà adopté par plusieurs acteurs influents, OpenTofu est techniquement fiable et stable pour une utilisation en production. Cependant, certains défis subsistent :
- Écosystème tiers encore majoritairement aligné sur Terraform
- Nécessité d’une formation spécifique des équipes
- Communauté active mais encore en consolidation
À nuancer toutefois : OpenTofu est né pour garantir une compatibilité totale avec Terraform. Aujourd’hui, cette compatibilité reste effective, mais l’écart pourrait se creuser à l’avenir. En effet, OpenTofu commence à introduire ses propres fonctionnalités supplémentaires, et comme le rappellent ses développeurs, la compatibilité future dépendra des choix de la communauté.
Par ailleurs, si OpenTofu bénéficie du soutien d’acteurs majeurs de l’écosystème open source, certains observateurs pointent un rythme de développement plus lent que celui de Terraform. Une analyse des contributions au dépôt GitHub d’OpenTofu montre que la majorité des changements de ces deux dernières années proviennent d’un noyau restreint d’environ six développeurs. L’activité du projet a connu un pic au moment de son lancement, mais a depuis ralenti, tandis que Terraform continue d’évoluer rapidement : à l’heure où OpenTofu travaille encore sur les mises à jour sa version 1.10, Terraform vient de publier la version 1.12.
Ces éléments ne remettent pas en cause la solidité d’OpenTofu, mais doivent être intégrés dans l’évaluation des risques et des trajectoires d’évolution à long terme.
5. L’approche StackX pour une transition efficace vers OpenTofu
Chez StackX, nous recommandons une approche prudente et structurée pour l’adoption d’OpenTofu :
- Audits approfondis des usages et dépendances Terraform existants
- Évaluations comparatives (shadow runs) avant toute bascule
- Accompagnement sur mesure pour la migration et la montée en compétences
Cette stratégie permet une transition en douceur, sans perturber les opérations courantes tout en maximisant les avantages d’une solution ouverte.
Conclusion
OpenTofu n’est pas un clone opportuniste. C’est un projet structuré, soutenu par la communauté, aligné avec les valeurs du DevOps moderne : transparence, souveraineté, innovation ouverte. Pour les grandes entreprises, il incarne une voie d’indépendance technologique à explorer sérieusement.